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Fiches D'histoire Et Littérature

29 décembre 2009 2 29 /12 /décembre /2009 11:58

 ( Petit article rédigé après avoir assisté à une projection donnée à la Sorbonne par deux de mes camarades de Khagne qui se lancent dans la belle histoire du cinéma...)

Filmé en noir et blanc, le film met d’emblée dans une représentation particulièrement esthétique (mais je crois que là-dessus, je ne serai jamais objctive…) : la splendeur du détail de la vie est ainsi magnifiée par des plans fixes sur les yeux d’Helena particulièrement. Ce choix est tout à fait bien vu dans la mesure où il rappelle particulièrement la lignée de l’expressionnisme allemand et permet de gommer certains détails qui apparaîtraient trop visibles ( par exemple quand elle est dans le flot de voiture, le tourbillon de couleur ferait sortir je pense de l’état d’intériorité) en même temps que cela permet de jouer sur une interprétation plus vaste d’un thème qui revient ; celui de la forme, de la silhouette.

Silhouette d’Helena, bien sûr, qui se détache d’emblée dans un paysage marqué par la fuite d’ombres qui passent auprès d’elle sans s’arrêter, sans un regard… Mais, que fait-elle ainsi, perdue dans un Paris qui semble tout à coup vidé de son trop plein (de bruit, de mouvement, de gens, de tout ?). Helena marche seule et descend… Descend les marches de l’église, descend l’escalier pour sortir dans une rue parfaitement vide… Mon affection va tout particulièrement à la cage d’escalier, thème que j’ai photographié avec passion car il représente pour moi un lieu mythologique de notre modernité. Enferment ( cage) et puis possibilité de monter ou descendre mais peut-être descente aux Enfers car Dante est toujours là, de palliers en palliers… J’ai un jour descendu 7 étagesavec l’impression bien réelle de descendre aux tréfons de mon âme, et alors quelle joie de lever la tête et voir le Ciel…

Guérison ou suicide ? Qui peut savoir vers quoi se dirige le personnage ? Auncun indice d’humanité autour d’elle, elle fuit, hors du temps, hors des lieux… Ces mêmes lieux qui l’enferment cependant dans des rues… et dans un appartement à nouveau et toujours, des fenêtres duquel elle peut contempler encore la cour et le vide, au fond, là-bas. Le vide est autout d’elle, mais aussi en elle, sans aucune autre communication que celle d’elle-même à elle-même… ; la skizophrénie suggérée dans le rapport voix off / voix invite vraiment à la mise en question de la double-énonciation théâtrale (mais que ce terme est laid pour traduire la beauté du sens multiplié). A chaque instant, l’impression me venait qu’Helena s’adressait autant à elle-même (je veux dire, de personnage à personnage ou de personnage à actrice) qu’au spectateur cité dans le hors-écran et avec qui se pose la question d’une possible communication qui était pariculièrement visible dans la scène où elle marche dans la rue et où le téléphone en premier plan construit une dynamique particulièrement intéressante de parole et de silence entre les plans de l’écran et du réel. Le téléphone est extérieur : il est dans la rue, signe de l’appel au secours au milieu d’une ville désertique où l’individu est abandonné au dégoût de lui-même, où il risque de devenir objet à son tour, un corps étendu sur les marches… Sexualisé, statuifié, le corps devient pour l’être le lieu d’une impossible réconciliation avec soi-même, d’une scission profonde manifeste dans le désir d’étreintre l’autre ou soi-même… Sortir hors de soi, pour se retrouver, pour s’approprier son corps ce que la scène finale pourrait également suggérer par une appropriation non codifiée du maquillage : travestissement ou révélation ? Ce que le maquillage invite à voir, c’est avant tout une esthétique de la folie une esthétique de l’image intérieure de soi-même et une transformation du monde.

Dans l’appartement, dans l’intériorité de soi à soi, l’exressivité du visage se modifie, se boulverse tout comme la parole se libère, tout comme le suicide permettrait de libérer les organes dans une conception inspirée des écrits théoriques d’Artaud. Les objets les plus familiers, deviennent les témoins froid d’une crise de l’intériorité… Crise de l’intérieur, d’ailleurs, quand Helena rassemble ses affaires dans un sac, telle une bête traquée qui ne sait où aller mais veut juste sortir. De soi-même. Du monde. La scène de la baignoire fait bien sûr penser à Psychose, mais l’étendue d’eau fait écho au thème du miroir et au Mythe de Narcisse, créateur et auto-destructeur en même temps. Des débris de l’être émerge, tel un phoénix, un être de poésie et de chant lyrique dans l’ultime scène.

La scène du maquillage me fais rêver à une forme de défiguration qui aurait sans doute perdu de sa poésie si elle avait été en couleur ou alors trop "choc" ( pour moi, en tout cas!!!). J’ai songé tout en même temps à la beauté de La Callas (apaisée par la beauté du chant), au vol des feuilles jaunies des arbres en automne, à un film de Franju (Les Yeux sans visage) qui mettent en évidence l’importance de la dialectique entre figuation et défiguration pour la quête de son identité, en même temps qu’au Pierrot tout Blanc du cirque –personnage mélancolique s’il est en qui réalise parfaitement cette parole qui semble d’un coup s’adresser à nous-même «  prenez soin de vous… Qui s’occupera de vous si je m’en vais ??… ». Et cette parole, je la trouve admirable, supportée par le Requiem car elle est à la fois chant d’adieu à la vie et chant d’amour pour la vie. Le renversement est boulversant et je ne sais pas exactement dans quel état d’esprit tu as pu écrire ces mots mais pour moi, c’était un peu comme si la scission du personnage souffrant était ou dépassée ou intériorisée encore plus profondément en lui - cela importe guère car finalement, après avoir crié au secours, le spectateur se rend compte qu’il a parfaitement besoin de cette existence fragile.

Ce qui m’a semblé particulièrement intéressant c’est cette demande d’aide qui nous ramène à une condition impuissante de spectateurs devant la destruction. L’adresse directe nous donne envie de crever l’écran pour l’attraper par le poignet et la retenir dans sa chute, ou plutôt, dans son tourbillon car je trouve que les effets de « bougers » dont tu parlais sont tout à fait intérprétable aussi dans ce mouvement d’aspiration et d’expiration qui se reflète dans cet état.

Helena est très touchante dans sa demande d’amour et d’aide… et la musique du Requiem de Fauré est bien trouvé à la fin car c’est comme une modulation, entre harmonie musicale et parole, cette parole qui vient aussi bien dans la voix off que dans les quelques mots qui se détachent de la bouche d’Helena. Sublime donc, car cette musique est exactement la traduction de cet état de fragilité d’une voix qui se métamorphose en musique par le chant et réalise la synthèse de l’image, de la musique et de la parole. La fin est flottante, mouvante et belle tout simplement car cela s’approche d’une forme de grâce dansante esthétique et métaphysique. ( Tu as eu raison d’assumer pleinement la dimension esthétique de la folie car l’art est avant tout pour moi une représentation c’est-à-dire, un beau, mais alors très beau mensonge – ou plutôt il ment et dit le vrai plus profond et là, Artaud a bien vu… Ce qui me touche tout particulièrement c’est que la mort n’est pas filmée dans sa violence cruelle telle qu’elle est envisagée au début avec la mention de la lame, la corde et les médicaments… C’est plutôt un tourbillonnement de gestes qui porte l’Etre dans le linceul du Requiem avec délicatesse. La plus absolue.

J'aime la vie telle qu'on la ressent dans le film. Je me demandais avec angoisse si Helena allait être filmée morte mais je la préfère bien vive à la fin !!! L’ idée de crise cela s’accorde parfaitement avec les moyens… C’est une frénésie qui s’empare du personnage du cinéaste aussi en quelque sorte… il est intéressant que ce thème soit votre projet de départ. Hélena est très expressive et presque méconnaissable à certains moments. Peut-être ce fil ténu de vie sur lequel elle semble marcher m’apparaît-il plus distinctement encore dans la mesure où vous étiez là tous les deux et que je me sentais très absorbée par le film au point de me demander si elle serait à nouveau là quand la lumière se rallumerait, mais c’était bien le cas…

 

Merci à tous les deux…

Ne coupez pas, continuez à tournez...

Pascaline Hamon

19. Décembre 2009.

 

 


 

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